Villa Zurbiac
La Villa Zurbiac à Biarritz, ancienne villa, date du début du XXe siècle[1]. En 1907, la villa a été construite par Frédérick Edward Gibert, alors Consul des États-Unis d’Amérique à Biarritz, qui y a vécu jusqu'à son décés en 1913[2] puis elle fut résidence de son épouse américaine Alice Reed décédée en 1915. À la fin de la première Guerre Mondiale, la Villa Zurbiac et les propriétés environnantes ont été achetées par Carlos de Beistegui[3], célèbre et riche mécène de l’entre-deux guerres. Zurbiac est alors transformée en résidence avec parc pour accueillir sa collection de tableaux de maîtres, Carlos de Beistegui y décèdera le 12 janvier 1953[4]. La partie ancienne de la Villa Zurbiac a été conservée partiellement, lotie puis vendue en appartements dont certains conservent aujourd’hui le charme de l’ancienne villa avec son parc.

Historique
Frédérick Edward Gibert
L’histoire de la Villa Zurbiac commence avec Frédérick Edward Gibert junior né le 31 octobre 1862 à New-York[2]. Cette branche des Gibert est issue, dès 1604, d’une lignée huguenote originaire de Montpezat d’Agenais. On la retrouve à Bordeaux vers 1680 où elle s’enrichit dans le commerce outre-mer, ses membres accèdent aux plus hautes charges, puis une branche de la famille se développe à la Martinique et à la Guadeloupe puis les États-Unis à la Révolution Française; en juin 1795 pour Jean-Nicholas Gibert l' aïeul de la lignée[5].
Jean-Nicholas Gibert, le grand-père de Frédérick Edward Gibert junior, est né à la Martinique en 1770. Il se marie avec Catherine Anne Audinet fille d’un gouverneur de la Guadeloupe. Le couple s’installe à Newport (Rhode Island) en 1795, fuyant les évènements révolutionnaires de la Guadeloupe puis à New-York en 1811. Les activités commerciales de Nicholas Gibert lui permettent d’acquérir une très grosse fortune qui sera multipliée par les alliances matrimoniales et les relations new-yorkaises. De ses trois fils, Frederick Edward Gibert, le père du futur consul à Biarritz, né en 1810 et décédé en 1882, reprend la gestion des affaires familiales et les développe. Il épouse Marguerite Elisabeth Reynols qui finira ses dernières années entre Paris et Biarritz où elle réside en 1902 avec son fils, le futur agent consulaire, à la villa Théo, Avenue des Pyrénées (ancien Avenue Joffre). Frédérick Edward Gibert et Marguerite auront trois enfants qui seront éduqués dans la double culture franco-américaine, faisant de longs séjours à Paris et des études en Europe[6].
Nicholas Audinet Gibert, né en 1853, est l’ainé des deux fils, auxquels il faut rajouter leur sœur cadette Leila Marie née en 1857 et qui décède à 28 ans le 1er avril 1885[7].
La courte vie de Leila lui permet néanmoins de faire un très riche mariage à New-York avec l’ami de ses deux frères, Lindsey Hoffman Chapin. Il nait de cette alliance, Marguerite Chapin Gibert en 1880[6].
Marguerite est la très riche héritière des Chapin et des Gibert et devient célèbre en épousant le prince Roffredo Caetani, devenant ainsi la princesse Marguerite Caetani le 30 octobre 1911 à Londres. Roffredo Caetani, prince de Bassanio, fut le grand amour platonique de la comtesse Greffulhe, durant 10 ans muse de ce jeune compositeur Italien. Avec Roffredo, Marguerite Chapin Gibert entre dans le monde décrit par Proust dans la Recherche. Leur fils Camillo, né en 1915 sera fiancé à Edmonde Charles-Roux dans les années 1930 mais il disparaitra en 1940 fauché par les affres du fascisme italien[8].
Marguerite chérit ses deux oncles Gibert qui lui servent de tuteurs dans ses années d’apprentissage à Paris et New-York. Marguerite, à la suite des décès prématurés de ses parents, se rapproche d’eux, s’installe à Paris en 1902 à 22 ans pour étudier le chant. Dès 1907 elle fait souvent la navette entre Paris et la Villa Zurbiac à Biarritz de son oncle consul américain. Marguerite mettra sa fortune au service de sa passion, la littérature[6].
Fréderic Edward Gibert junior est né le 31 octobre 1862 à New-York[2]. Après des études en Europe, il sort diplômé de l’Université Cornell aux États-Unis[6] Il épouse Alice Reed, fille du banquier de New-York Edgar Reed. Le couple divorce en mai 1898 mais pour se remarier à Biarritz en novembre 1898[9],[10].
Le 1er mai 1905 Frédérick Edward est nommé agent consulaire à Biarritz des États-Unis d’ Amérique, en janvier 1907 sa juridiction est étendue au département des Basses-Pyrénées dans son entier[11]. Gibert est de plus très actif et engagé dans le développement de la ville, il est président durant 8 ans du Comité des Fêtes de Biarritz, dès sa fondation en 1905[12]. Afin de s’établir suivant son rang et ses activités, il décide de faire construire une villa qui devient la Villa Zurbiac.
Le Docteur Joseph-Auguste Fort (1855-1912), éminent professeur d’anatomie à la faculté de médecine de Paris avait dès 1890 racheté des terrains au sud de Biarritz près de la Côte des Basques. Après le percement de l’avenue des Pyrénées (avenue Joffre) il vendit à Frédérick Edward Gibert des parcelles à bâtir[1]. Celui-ci fit appel à l’architecte allemand Auguste Beck pour établir les plans et piloter la construction de sa villa. Auguste Beck s’était établi à Biarritz et avait acquis une certaine renommée après la construction de la villa Hereen (actuellement Hélianthe) démarrée en 1882 (manoir de style britannique avec terrasses sur trois étages et parc face à l’océan).
Pourquoi Frederick Edward Gibert et son épouse Alice Reed choisissent ils pour nom de leur Villa ‘ Zurbiac ‘ ? On trouve une origine basque à zurbiac, en effet sur Gallica le « Guide ou Manuel de la conversation et du style épistolaire français-basque : utile aux étrangers et aux Basques eux-mêmes / [par l'abbé Dartayet] » édité en 1861 à Bayonne, précise que zurbiac est la traduction de "les échelles" en basque. Ce guide circulait alors auprès des étrangers en visite dans le pays basque et Gibert, par ailleurs Président du comité des fêtes de Biarritz, est très engagé dans de multiples activités culturelles en pays basque[13].
La famille Gibert reçoit la haute bourgeoisie internationale et l’aristocratie parisienne à Zurbiac.
Une photo de Zurbiac prise le 04 juillet 1912 montre un immense drapeau américain au sommet de la villa, ce jour-là Frédérick Edward Gibert fêtait avec magnificence et feu d’artifice à sa villa, qui servait de consulat, l’ « Independance Day ».

Gibert, alors bien implanté à Biarritz, écrit plusieurs rapports pour son ambassade, on trouve le document suivant écrit en 1907[14] : "Agent consulaire Frédérick E. Gibert, Biarritz, Villa Zurbiac : Situation commerciale actuelle et du développement dans le département français des Basses-Pyrénées". Frédérick Gibert y décrit l’importance de Bayonne, seul port atlantique entre Bordeaux et l’Espagne dans une région dont la population de 424 446 habitants ne cesse de croitre et dont les échanges d’exportation ont décuplé entre 1848 et 1906 pour atteindre 800 000 tonnes de marchandises.
Malheureusement de façon précoce, Frédérick Edward décède le 3 février 1913 à Biarritz, il n’a que 50 ans. Lors de ses obsèques, la ville lui rend un vibrant hommage[12] par un discours rappelant ses qualités d’organisateur, de travailleur acharné pour la réussite des plus belles fêtes Biarrotes de la période, en mémoire reste les magnifiques Régates de 1910 et 1911 ou les meilleurs Yachts du moment se sont affrontés.
Son épouse Alice Reed décède à son tour en 1915, leur fils étant retourné aux États-Unis, ainsi prend fin la période Gibert de la Villa Zurbiac.
Carlos de Beistegui
L’histoire de la Villa Zurbiac se poursuit avec Carlos de Beistegui quand celui-ci achète la villa le 18 juin 1918 à l’industriel Henri Guillot[3].

Carlos de Beistegui est un très riche mécène d’origine Basque, qui cherchait depuis de longues années à s’établir à Biarritz dans une résidence où il pourrait mettre en valeur ses riches collections.
Au décés d’Alice Reed en 1915, la Villa Zurbiac est vendue à Henri Joseph Guillot, qui a fait fortune en Argentine où il s’est marié en 1890. Installé dans le Pays basque, le couple Guillot investi dans quelques acquisitions à Anglet et Biarritz[15].
Carlos de Beistegui est né à Mexico le 18 février 1863, sa famille a fait fortune dans les mines, puis son père a été nommé ministre plénipotentiaire du Mexique à Madrid. En 1876 ses parents se sont installés à Paris où Carlos fait ses études et s'oriente très tôt vers l'art. C'est alors qu'il connait Léon Bonnat auprès duquel il s’initie à la peinture qu’il pratiquera avec talent, il acquiert auprès de lui le goût des Arts ce qui devait plus tard le pousser à rechercher et à acheter ses premières œuvres.
Dès 1902, Carlos de Beistegui acquiert la collection de médailles et monnaies de Henri Meyer (Industriel alsacien) puis il en fait don au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale[16]. Par la suite, il collectionne un grand nombre de tableaux et de sculptures des plus grands artistes, s’appuyant sur les conseils de Léon Bonnat son ami très proche, retiré à Bayonne[17].
Carlos de Beistegui raconte dans les Lettres Françaises de juillet 1945, qu’il a acheté son premier tableau, un Nattier, en 1900, pour la somme de 250 000 francs, en 1937 une de ses dernières acquisitions est la célèbre esquisse de Bonaparte par David[18], acquise 800 000 francs et que le Louvre n’avait pas les moyens de se payer à l’époque, lui évitant ainsi le transfert outre Atlantique.
Carlos de Beistegui réaménage la Villa Zurbiac afin que sa collection d’œuvres d’art soit mise en valeur et montrée à ses proches et ses connaissances. Il rachète les 3 villas environnantes et agrandit considérablement les jardins et le parc, en faisant un lieu de villégiature mondain apprécié des célébrités de l’époque. Picasso, en 1918[19], de passage à Biarritz, Eugenia Errazuriz[20] son hôte[19] (Elle séjourne chaque été à Biarritz, sa famille est issue de la riche diaspora Basque du Chili), Léon Bonnat, de nombreux ministres dont Georges Clemenceau, eurent l’opportunité de visiter sa prestigieuse collection à la Villa Zurbiac.
John Richardson raconte dans ‘ Une vie de Picasso : année 1917 1932 ‘ que Picasso évoquait, après 1918, avoir vu dans le salon de Beistegui à Biarritz, un tableau du peintre de salon du XVIIIe, Ernest Meissonnier ‘ La barricade juin 1848 ‘ avec des baïonnettes argentées du plus bel effet. Le tableau est actuellement au Louvre, il a été exposé par Meissonnier au Salon de 1850 sous le titre ‘Guerre civile’, souvenir émotionnel de cet ancien officier de la Garde Nationale.
Pendant la seconde guerre mondiale, Carlos de Beistegui se démène afin que sa villa et ses collections soient protégées de l’occupation allemande grâce à l’aide des Musées Nationaux. Les hôtels et grandes villas de prestige de Biarritz étant réquisitionnés pour loger les bataillons armés de l’occupant, Biarritz est provisoirement devenue une zone de rétablissement pour la Wehrmacht avant le retour dans l’enfer des combats. La collection de tableaux de maîtres de la Villa Zurbiac a ainsi évité de peu la spoliation des toiles par les Nazis.
Le 12 janvier 1953, Carlos de Beistegui s’éteint dans sa Villa Zurbiac à l’âge de 90 ans. Conformément à sa volonté, sa collection est immédiatement cédée en totalité au musée de Louvre où l’aile Sully possède une salle qui lui est consacrée. Il témoignait ainsi de ses deux grandes passions, son amour pour la France et ses œuvres d’art.
Le 26 février 1959, les neveux de Beistegui lotissent et vendent les biens hérités de leur Oncle[3]. Rapidement, la Villa Zurbiac est transformée en appartements, le parc néanmoins est conservé. La villa échappe aux affres de la destruction du patrimoine de Biarritz des années 1960 grâce à la construction d’un immeuble de standing, Le Président, qui prend appui sur l’ancienne villa sans la dégrader. La Villa Zurbiac partiellement conservée continue de nos jours d’être entretenue et protégée, quelques passionnés et curieux essaient de faire revivre la mémoire de son glorieux passé, effacée progressivement par l’usure du temps.

Notes et références
- Monique Rousseau, Aux quatre coins de Biarritz, ces maisons qui ont une histoire, Atlantica, p. 215
- « Geneanet : arbre généalogique de Frederick Edward Gibert »
- Acte société Immobilière Zurbiac chez Maître Personnaz notaire à Biarritz du 29 octobre 1959
- « Carlos de Beistegui : base leonore Légion d' Honneur »
- « Compléments à Généalogie et Histoire de la Caraïbe Nouvelle Série no 25 1er trimestre 2017 Page 1 »
- (en) Laurie Dennett, « An American Princess » vie de Margaret Chapin-Caetani, Mcgill-queen's university press,
- Elizabeth Hill, « Geneanet : arbre généalogique de Leila Marie Gibert »
- Dominique de Saint Pern, Edmonde Charles-Roux « Edmonde », Le Livre de Poche,
- Gallica: The New York Herald du 31 janvier 1898 “The Gilbert family relations “
- Service départemental des Archives des Pyrénées-Atlantiques. Divorse Reed Gibert 17 mai 1898 Bayonne
- Gallica : L' Indépendant Biarrot 03 janvier 1907 Gibert Agent consulaire
- La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz 9 février 1913 - Gibert décés
- « Guide de la conversation : traduction Français Basque », sur Gallica
- Monthly Consulat and trend report” : Ambassade des États-Unis en France 1907
- Henri Guillot, « arbre généalogique de Henri Joseph Guillot », sur Geneanet
- « BNF : Collection de médailles - Meyer Bestegui », sur BNF
- Gallica : Gazette_des_beaux-arts___Collection Beistegui 1931
- « Bonaparte par David »
- Jean-François Larralde, Picasso un été à Biarritz, atlantica Biarritz,
- Eugenia Errázuriz
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