Sarabandes (Satie)

Sarabandes est un recueil de trois pièces pour piano d'Erik Satie, composé en 1887.

Sarabandes
Image illustrative de l’article Sarabandes (Satie)
Première page de la Deuxième sarabande, dans l'édition de l'Album Musica no 103, avril 1911.

Genre Pièces pour piano
Nb. de mouvements 3
Musique Erik Satie
Durée approximative 13 h 30
Dates de composition 1887

Contexte

Datant d'une période au cours de laquelle Satie délaisse la fréquentation de Notre-Dame de Paris pour celle des cabarets montmartrois, les trois Sarabandes sont composées en 1887[1]. Il s'agit d'une période de la vie d'Erik Satie complexe, où il quitte le cercle familial après une brève aventure amoureuse et il s'établit alors dans une chambre de la rue Condorcet[2]. Son ami Patrice Contamine de Latour rapporte une scène particulièrement étonnante montrant son combat contre ses démons intérieurs : « il reprit ses vêtements, les roula en boule, s'assit dessus, les traîna sur le plancher, les piétina, les aspergea de toutes sortes de liquides, jusqu'à les transformer en véritables loques. Il défonça son chapeau, creva ses chaussures, déchira sa cravate, cessa de soigner sa barbe et laissa pousser ses cheveux »[3],[4].

Structure

Le cahier, d'une durée d'exécution de treize minutes trente environ[5], comprend trois mouvements :

  1. Première Sarabande
  2. Deuxième Sarabande, dédiée à Maurice Ravel et créée par le dédicataire au piano le à la salle Gaveau au cours d'un concert de la Société musicale indépendante (SMI)[6]
  3. Troisième Sarabande

Analyse

Elles se révèlent, selon la musicologue Adélaïde de Place, « rigides dans leur écriture verticale, mais non monotones, [regorgeant] de suites d'accords aux enchaînements inattendus, presque prophétiques »[7]. Ce terme de prophétie est aussi utilisé par Jean-Pierre Armengaud pour qualifier le caractère de ces trois œuvres[8].

Guy Sacre les rapproche des Ogives, avec ses « accords processionnels aux deux mains, dans une même immobilité », tout en soulignant leurs nombreuses différences : le rétablissement dans les sarabandes de la barre de mesure, l'usage de tonalités aux armures riches, les enchaînements de septièmes et neuvièmes, une diversité rythmique plus étendue[1]. De ce fait, il considère qu'on « se sent quitter le sacré pour le profane » et constate que « la muse mélodique s'y dégourdit »[1].

La partition est publiée pour la première fois en 1911 par Rouart-Lerolle[1]. En exergue figure une citation du poète Patrice Contamine de Latour, ami de Satie :

« Soudain s'ouvrit la nue et les maudits tombèrent[7]. »

Jean-Pierre Armengaud commente notamment cette citation ainsi : pour lui, les maudits correspondent à la fois aux personnes dont « il a subi » l'enseignement au Conservatoire, mais aussi les critiques musicaux, ainsi que le milieu musical « prostré d'admiration pour la musique d'outre-Rhin »[8]. Quant à la nue, elle ferait référence au cercle des rosicruciens, qu'Erik Satie intègrera, autant qu'au cercle du cabaret Le Chat noir où le compositeur y est pianiste[8].

Les Trois Sarabandes explorent aussi une certaine immobilité, dans une sorte de « vitrail musical », où les harmonies sont des accords de septième ou de neuvième, et dont les modulations surprenantes sont aptes à « exorciser les fantômes des Wagnériens en tout genres »[8]. Ces danses, lentes au point d'être immobiles, font preuve d'une grande richesse harmonique à tel point que les thèmes ne sont quasiment pas exploité, et qui prévient les révolutions musicales du xxe siècle[9].

Première Sarabande

Pour Jean-Pierre Armengaud, la Première Sarabande est une danse si lente que « le premier temps est comme une question et le troisième temps comme un soupir d'espoir, de regret ou de mécontentement »[9]. Le mouvement est lent au point que seule plane l'harmonie[9]. Il y a cependant un motif rappelant la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel[9]. Cette sarabande présente une mélancolie et une nostalgie profondes[9].

Deuxième Sarabande

La Deuxième Sarabande est plus dramatique que la précédente, et les accents ravéliens sont plus présents encore, commentés par de grands accords[9]. Vainement, la fin reprend le thème initial[9].

Troisième Sarabande

La Troisième Sarabande oscille entre un rythme de barcarolle qui rappelle Gabriel Fauré et des accords arpégés et répétitifs, qui pourraient être la représentation d'une demande de sérénité à laquelle on opposerait un refus brutal[10].

Discographie

Notes et références

  1. Sacre 1998, p. 2380.
  2. Armengaud 1988, p. 25.
  3. Armengaud 1988, p. 25-26.
  4. Jean-Pierre Armengaud écrit cependant Condamine de Latour
  5. (en) Alexander Carpenter, « Sarabandes (3) for piano | Details », sur AllMusic (consulté le ).
  6. Duchesneau 1997, p. 306.
  7. Place 1987, p. 629.
  8. Armengaud 1988, p. 26.
  9. Armengaud 1988, p. 27.
  10. Armengaud 1988, p. 28.

Bibliographie

Ouvrages généraux

  • Michel Duchesneau, L'avant-garde musicale et ses sociétés à Paris de 1871 à 1939, Mardaga, , 352 p. (ISBN 2-87009-634-8). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Adélaïde de Place, « Erik Satie », dans François-René Tranchefort (dir.), Guide de la musique de piano et de clavecin, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 867 p. (ISBN 978-2-213-01639-9, OCLC 17967083), p. 629. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Guy Sacre, La musique pour piano : dictionnaire des compositeurs et des œuvres, vol. II (J-Z), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 2998 p. (ISBN 978-2-221-08566-0), p. 2380-2381. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Monographie

Liens externes

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